Le directeur national du village d’enfants au Honduras partage les décisions difficiles que lui et son équipe ont prises lorsque la pandémie du coronavirus est arrivée au Honduras.
Au milieu du chaos, de la panique et de l’incertitude, on apprend souvent beaucoup sur les gens.
Ces dernières semaines, qui ont semblé être des mois, notre monde à tous a été mis sens dessus dessous. Nous avons été obligés de changer, de nous adapter à de nouvelles normes, voire à de nouvelles façons de nous saluer. Le monde semble plus froid, plus distant.
Mais dans le sillage de ce chaos, nous avons vu émerger une énorme solidarité et une grande bonté. Depuis le début de cette pandémie au Honduras, mon cœur éclate de fierté quand je vois la façon dont toute la famille de NPH au Honduras répond à cette situation difficile : avec amour et détermination, mais surtout, tous ensemble.
Les premiers jours après la confirmation du virus au Honduras, j’ai eu une conversation avec Reinhart Kohler (membre du conseil d’administration de NPH International et co-fondateur de NPH Honduras) sur ce que nous devrions faire dans le village d’enfants si le virus arrivait. Nous avons parlé de la nécessité de loger tous les malades, car nous savions tous les deux que le gouvernement n’aurait pas la capacité de s’occuper d’autant de personnes dans un état critique.
La semaine dernière, lorsque nous avons discuté de la situation impossible de nos éducateurs, nous avons réalisé avec désespoir et agacement qu’il n’y avait aucun moyen de laisser partir le personnel et de le faire revenir au village d’enfants – le risque d’amener le virus de l’extérieur au sein du village d’enfants étant trop grand. Cela signifiait que le personnel qui était déjà sur le terrain à ce moment-là (certains y étaient déjà depuis 10 jours) devait rester 3 semaines de plus pour permettre une période de quarantaine de 2 semaines aux éducateurs de relève.
Les conséquences de cette décision étaient immédiatement très claires. Imaginez dire « à bientôt » à vos enfants en leur assurant que vous serez de retour à la maison dans une semaine comme d’habitude, mais que, soudainement, le monde est bouleversé.
Les coordinateurs ont été chargés de parler aux éducateurs et de leur demander si certains d’entre eux étaient prêts à rester et à nous aider. Personne n’y serait obligé. L’atmosphère était tendue. Personne ne s’attendait à ce qu’ils acceptent un tel sacrifice. Après tout, dans de nombreux cas, les éducateurs sont les principaux soutiens de leur propre famille, ce sont souvent des mères célibataires. Qui apporterait de la nourriture à leurs familles ? Qui soignerait leurs propres enfants ?
Pendant la pause de midi, j’ai informé les volontaires de notre recommandation de retourner dans leur pays d’origine. Après tout, nous nous attendions à l’effondrement du système de santé hondurien si et quand ce virus prendrait pied dans la société. Après avoir expliqué la situation en détails en leur disant qu’il y avait moins de 100 lits aux soins intensifs dans le pays, un des volontaires m’a demandé : « Si nous choisissons de rester, y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour aider ou est-ce que nous ne ferions que nous mettre en travers du chemin ? »
Quand j’ai quitté les volontaires, j’ai reçu un appel du coordinateur des maisons, Mauricio Calles : « No me vas a creer. Casi todos los tíos aceptaron. » (« Tu ne me croiras jamais. Presque tous les éducateurs ont accepté »). Lorsque j’ai rencontré à nouveau les coordinateurs, je pouvais sentir leur excitation avant même d’entrer dans la salle. La joie et la fierté qu’ils ressentaient face à ce geste d’amour et de dévouement de la part de leur personnel rayonnaient sur chacun de leurs visages. Je leur ai dit combien j’étais inspiré par leur dévouement et leur volonté de faire des sacrifices personnels pour le bien de notre grande famille. Il n’était pas nécessaire de leur demander de rester.
Si votre « travail » consiste à protéger les enfants et les jeunes que vous aimez, alors un ordre du gouvernement exhortant les gens à rester à la maison devient quelque peu inutile. Par exemple, Kenia Girón, la coordinatrice de Casa Ángeles (le foyer de Tegucigalpa pour enfants et jeunes souffrant d’un lourd handicap) n’est plus rentrée chez elle depuis le début de la pandémie. Elle savait son personnel et elle devaient restés confinés à la Casa Ángeles ou rester à la maison pour minimiser le risque d’infection. Kenia ne voulait pas rester à l’écart.
Tout le monde ici fait tout ce qui est en son pouvoir pour lutter contre cette maladie dévastatrice. Nous sommes tous conscients que si le virus atteint le village d’enfants, de nombreuses vies seront en jeu : 34 enfants et jeunes ayant un handicap ; 17 enfants et jeunes séropositifs ; 5 abuelos (grands-parents) à Casa Eva – la maison de nos personnes âgées ; 15 enfants et jeunes ayant un handicap lourd à Casa Ángeles, pour n’en citer que quelques-uns.
La réalité est que nous ne savons pas combien de temps cette situation va durer. Tout est fermé ici : les magasins, les supermarchés, les pharmacies et les transports. Nous sommes en plein confinement militaire avec des gardes armés qui bloquent le passage sur les routes du pays (le point de contrôle le plus proche se trouve à seulement 3 km du village d’enfants, sur la route de Tegucigalpa).
En ces temps difficiles, les efforts qui sont demandés au personnel vont bien au-delà de ce qui est stipulé dans un contrat de travail. Après une catastrophe naturelle, les gens donnent tout ce qu’ils peuvent pour aider les personnes dans le besoin. Pour enterrer ceux qui sont morts, déterrer ceux qui ont été ensevelis sous les décombres, pour faire des sacrifices et sauver des vies.
Nous nous trouvons dans une situation unique où nous sommes en quelque sorte confrontés à la catastrophe avant qu’elle ne se produise. Nous sommes en mesure de faire quelque chose contre cette tempête qui approche. Mais ce qu’on nous demande de faire est drastique. Nous devons dépasser nos limites. C’est difficile. C’est un sacrifice. Et c’est quelque chose qu’on ne nous demanderait jamais de faire si nous n’étions pas dans une situation où il n’y a vraiment pas d’autre choix.
Avec les mesures extrêmes prises par le gouvernement, il est possible que cette pandémie soit contenue. Dans quelques mois, nous pourrons peut-être pousser un soupir collectif d’illumination en sachant que nous nous sommes battus avec acharnement et que nous l’avons surmonté ensemble. La réalité est que nous n’en savons rien. En attendant, nous devons être forts, nous devons être unis, nous devons être une famille.
Notre famille ne doute pas que tôt ou tard nous verrons le soleil briller. Ces tempêtes ne dureront pas longtemps.
Merci de soutenir nos villages d’enfants NPH en ces temps difficiles. Toute l’aide que vous pouvez donner compte et sera reçue avec une reconnaissance infinie. MERCI D’AVANCE !