La situation désastreuse en Haïti
Ces dernières années se sont avérées particulièrement mouvementées pour la population haïtienne. Depuis 2019, des instabilités politiques, économiques et sociales secouent le pays, poussant la population haïtienne à sortir dans la rue. Les revendications sont nombreuses. Les pénuries de carburant bloquent le pays et empêchent la population d’aller travailler. L’inflation limite le pouvoir d’achat de denrées alimentaires pour une population déjà pauvre. En 2022, la décision du gouvernement d’augmenter le prix du carburant afin d’accroître les recettes de l’Etat n’a fait qu’envenimer les choses. Plus récemment, c’est la démission d’Ariel Henry, premier ministre appointé à la tête du pays suite à l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, que le peuple haïtien réclame. En effet, aujourd’hui, il n’y a plus aucun leader politique élu démocratiquement dans le pays. Les derniers mandats ont expiré en janvier et aucune élection n’est pour l’instant prévue.
Les gangs jouent un rôle majeur dans l’instabilité du pays
Ces instabilités ont mené à la prolifération des gangs. Ces derniers sont responsables d’enlèvements, d’assassinats, de viols, de pillages, etc. Les Haïtiens sont aujourd’hui terrorisés par les activités de ces gangs et n’osent à peine sortir de chez eux. Les victimes sont choisies au hasard, chaque déplacement devient dangereux pour la population. Les professionnels de santé sont attaqués en rentrant chez eux, les mères de famille sont ciblées en allant faire les courses pour nourrir leurs enfants, les élèves et enseignants sont atteints par des balles perdues dans les salles de classe, les parents sont enlevés à la sortie des écoles… . La vie se déroule dans un climat de peur.
Une crise de sécurité
Les gangs font des ravages considérables : entre janvier et mars 2023, on comptabilise déjà 530 personnes tuées, 300 blessées, 277 kidnappées et 160 000 déplacées dans le pays.
Ces chiffres sont alarmants. Cependant, la communauté internationale hésite à intervenir au regard de la situation complexe. Les raisons de cette hésitation sont nombreuses. Il y a l’incertitude des résultats d’une intervention en Haïti, pays gouverné par un premier ministre non reconnu par la constitution. Ensuite, Haïti a déjà connu plusieurs interventions militaires étrangères et onusiennes, qui n’ont pas permis de restaurer une stabilité sur du long terme. Sur ce dernier point, les Haïtiens restent également mitigés car la dernière intervention des casques bleus dans le pays, suite au séisme de 2010, a notamment mené à l’introduction d’une épidémie de choléra ainsi que de nombreux scandales d’exploitation sexuelle des femmes haïtiennes.
Aujourd’hui, les gangs comptent de nombreux membres et sont également plus armés que les forces de police haïtiennes. Ils obtiennent leurs armes grâce au trafic international, qui transite par Haïti, et particulièrement par ses 1 771 kilomètres de côtes. Les forces de police locales ont peu de moyens et ne sont pas en mesure de reprendre le contrôle de zones toujours plus nombreuses à tomber dans les mains des gangs.
Crise humanitaire et sanitaire
Une crise humanitaire et sanitaire vient s’ajouter à la crise sécuritaire. Aujourd’hui, près de la moitié de la population haïtienne est exposée à l’insécurité alimentaire. On parle de plus de 4,5 millions de personnes qui peinent à se nourrir et ne mangent pas à leur faim.
Le pays subit des hausses constantes de prix depuis quelques années. En 2022, l’inflation a atteint 30%, alors que 30% de la population vit déjà dans la pauvreté extrême, avec un revenu de moins de 2,15$ par jour.
Depuis fin 2022, le choléra est de retour dans le pays. Les pénuries de carburant et les activités des gangs empêchent la bonne circulation des camions transportant l’eau potable. La population se retrouve ainsi à s’abreuver dans des sources d’eau non potable et potentiellement contaminées par la bactérie du choléra. Depuis le début de cette nouvelle épidémie, on comptabilise 2 439 cas confirmés, 29 782 cas hospitalisés et 594 décès. Au regard de la situation actuelle, les chiffres réels sont très certainement bien plus élevés. L’accès aux soins étant difficile, il est fort probable que tous les cas de choléra ne soient pas recensés. Les plus touchés restent les enfants de 1 à 4 ans ainsi que les enfants de 5 à 9 ans, qui représentent respectivement près de 20% et 16% des cas confirmés. L’insécurité alimentaire, la pauvreté et le manque d’accès aux soins exposent particulièrement les enfants aux maladies et aux bactéries.
Nous continuons à protéger les enfants
Nos équipes en Haïti continuent de subvenir aux besoins des enfants. Les enfants du village d’enfants de Tabarre ont été déplacés vers celui de Kenscoff, Sainte Hélène, plus en recul dans les montagnes. En 2022, 54 nouveaux enfants ont été accueillis à Sainte-Hélène, venant de différentes communautés fuyant la guerre des gangs. Et ils ne cessent encore actuellement d’arriver.
L’hôpital Saint-Damien continue de traiter les petits patients qui y sont présentés. L’année 2022 a été marquée par une hausse de 92% d’admissions d’enfants souffrant de malnutrition, soit 194 enfants. De même, le retour du choléra dans le pays a poussé l’hôpital à fermer l’unité COVID afin d’y aménager le centre de réhydratation pour les enfants atteints de choléra. Entre octobre et mars, près de 644 enfants âgés de 0 à 14 ans, ont été reçus.
Gena Heraty, responsable du programme pour les enfants et jeunes adultes en situation de handicap, nous partage sa vision de la situation en Haïti.